Les rappeurs américains: Leur cocktail euphorisant “purple drank” inquiète l’ANSM
Last Updated on mars 16, 2016 by Joseph Gut – thasso
16 Mars 2016 – Ce message vient de Medscape Francaise et se reflète dans leur formulation:
L’ANSM alerte les professionnels de santé sur la popularité croissante du “purple drank”, un cocktail euphorisant à base de sirop codéiné, de prométhazine et de limonade. Les signalements d’abus et de mésusage touchent principalement les adolescents et les jeunes adultes.
“Délivrés avec ou sans ordonnance, ces médicaments peuvent être utilisés par des adolescents ou des jeunes adultes à des fins récréatives ou de “défonce”, indique l’agence. “Les signalements ont augmenté nettement avec des achats suspects en pharmacie, des mésusages simples mais également des
mésusages compliqués d’intoxication ayant nécessité une hospitalisation chez de jeunes usagers, avec une évolution favorable”, a indiqué le Comité technique des Centres d’Evaluation et d’Information sur la Pharmacodépendance (CEIP) de l’ANSM en septembre 2015. En termes de populations touchées, les signalements de “purple drank” concernent des garçons comme des filles, majoritairement des adolescents, le plus jeune ayant 12 ans, mais aussi de jeunes adultes.
Lancé par un rappeur américain
L’émergence du “purple drank” date de la fin des années 1990 aux Etats-Unis. Il doit sa couleur au sirop codéiné le plus utilisé aux Etats-Unis qui est violet. Le premier à avoir revendiqué la prise de “purple drank” est le rappeur DJ Screw en 1992. Le cocktail, très prisé par les rappeurs américains, est devenu “un problème de santé publique dans la population jeune” aux Etats-Unis, précise l’ANSM.
Tableaux cliniques aux urgences
Les symptômes rapportés lors des intoxications font état notamment de trouble de la vigilance (somnolence), des troubles comportementaux avec agitation, confusion ou délire et dans un cas de crises convulsives. Par ailleurs, un cas de décès a été rapporté chez un adulte chez qui de la prométhazine a été mise en évidence avec d’autres substances psychoactives à des taux toxiques dont l’un était extrêmement élevé. Aussi, selon la base de données (VigiBase) de l’OMS, deux overdoses et deux suicides ont été rapportés avec l’association prométhazine-codéine.
Compte-tenu de la facilité d’accès des médicaments utilisés pour la fabrication du “purple drank” et des risques graves encourus, l’ANSM recommande “d’être particulièrement vigilants face à toute demande, attitude ou constatation d’usage qui semblerait suspecte, en particulier si elle émane de jeunes adultes ou d’adolescents”. Elle signale également que “cette consommation peut également être une porte d’entrée dans l’addiction pour les jeunes” et appelle à déclarer les cas d’abus. “Cette consommation de cocktail à base de sirop codéiné se place dans le contexte d’un retour des opiacés médicamenteux, commente le Pr Michel Reynaud, chef du département de psychiatrie et d’addictologie à l’hôpital Paul Brousse (Villejuif). C’est un vrai problème aux Etats-Unis où il y a plus d’overdoses aux opiacés médicamenteux qu’à l’héroïne. Il n’est pas étonnant que ce phénomène réapparaisse en France d’une manière ou d’une autre, notamment avec ces médicaments codéines”.
En France, alors que les premiers signalements ont été rapportés au réseau d’addictovigilance de l’ANSM en 2013, on constate depuis une nette augmentation. Sur la période janvier 2009 à décembre 2014, 17 signalements de “purple drank” ont été répertoriés dont 12 en 2014. Une notification concernait l’usage de prométhazine seule (sans codéine). Les 16 autres faisaient mention de polyconsommation avec l’association de prométhazine et codéine ou plus rarement de dextrométhorphane, un dérivé morphinique antitussif d’action centrale pour lequel une information aux professionnels de santé sur un usage détourné a déjà été publiée en novembre 2014.
Parmi 8 notifications spontanées, 1 correspond à un mésusage, 2 concernent une dépendance et 5 portent sur des mésusages compliqués d’intoxications chez des jeunes de 12 à 17 ans. En 2015, le cocktail continue à gagner en popularité puisqu’entre janvier et août, 18 signalements de “purple drank” ont été répertoriés dont 7 notifications spontanées.
“Cette consommation de cocktail à base de sirop codéiné se place dans le contexte d’un retour des opiacés médicamenteux. C’est un vrai problème aux Etats-Unis où il y a plus d’overdoses aux opiacés médicamenteux qu’à l’héroïne. Il n’est pas étonnant que ce phénomène réapparaisse en France d’une manière ou d’une autre, notamment avec ces médicaments codéines”, conclut le Pr Reynaud. “Nous sommes au début du problème. Pour l’instant, les jeunes sont vus dans les services d’urgence et non dans les services spécialisés dans la prise en charge de l’addiction car il faudra des années pour que la dépendance s’installe chez les gros consommateurs. En revanche, il faut qu’il y ait, dès maintenant, une évaluation addictologique et psychiatrique un peu fine, pour essayer de voir si ces jeunes risquent d’être en difficulté. Cette consommation peut être une porte d’entrée dans l’addiction”, a commenté le Pr Michel Reynaud.
La codéine est un opiacé indiqué chez l’enfant de plus de 12 ans et l’adulte dans le traitement symptomatique de la toux ou des douleurs d’intensité modérée à intense. La prométhazine est un antihistaminique H1 indiqué dans le traitement symptomatique des manifestations allergiques et en cas d’insomnies occasionnelles. Ces deux médicaments se présentent sous différentes formes utilisées pour la fabrication du « purple drank » (comprimé, sirop et solution buvable). Par contre, l’EMA interdit les antitussifs codéinés avant 12 ans.
D’autres associations dangereuses: Plus rarement, d’autres médicaments peuvent être utilisés, comme le dextrométhorphane ou l’association paracétamol-codéine, dont la consommation abusive présente un risque supplémentaire d’hépatotoxicité. En outre, de nombreux décès ont été rapportés avec le mélange prométhazine-méthadone.Les médicaments concernés peuvent faire l’objet de demandes dissociées dans des pharmacies différentes, rendant difficile l’identification d’un mésusage.