Chlordécone: l’Etat jugé coupable de négligences fautives

Chlordécone: l’Etat jugé coupable de négligences fautives

Last Updated on juillet 22, 2022 by Joseph Gut – thasso

13 juillet 2022 – Le chlordécone (commercialisé sous les noms de Kepone aux États-Unis, Merex dans les pays anglophones , ou Képone et Curlone en France) est un insecticide organochloré toxique, écotoxique et persistant. Laa chlordécone, de formule brute C10Cl10O, est la molécule qui entre dans la constitution de ce pesticide. Le chlordécone est connu pour avoir été utilisé comme substitut au lindane contre le charançon du bananier (Cosmopolites sordidus) dans le monde atlantique francophone (de 1972 à 1993 dans les Antilles françaises) et contre d’autres insectes attaquant les bananiers malgré son interdiction en France depuis 1990.

Le chlordécone

.Le tribunal administratif de Paris a estimé que l’Etat avait commis une faute en maintenant la commercialisation de cet insecticide, hautement cancérigène et polluant, dans les Antilles après son interdiction dans l’Hexagone.

Une victoire en demi-teinte pour les victimes du chlordécone. Le tribunal administratif de Paris a jugé l’Etat coupable de “négligences fautives” dans le dossier du chlordécone, ce pesticide cancérigène qui a contaminé neuf dixièmes des populations de Martinique et de Guadeloupe selon Santé publique France, lundi 27 juin. Les demandes d’indemnisation des plaignants pour préjudice d’anxiété ont cependant été rejetées.

Dans sa décision, le tribunal juge que “les services de l’Etat ont commis des négligences fautives” en permettant la vente de différents insecticides contenant du chlordécone sous différents noms. La justice reproche également d’avoir laissé ces produits être commercialisés “au-delà des délais légalement prévus en cas de retrait de l’homologation” : le chlordécone avait été interdit en France en 1990 mais a continué à être autorisé dans les champs de bananes de Martinique et de Guadeloupe jusqu’en 1993 grâce à des dérogations ministérielles. Son utilisation a provoqué une pollution importante et durable des deux îles, et les habitants présentent un des taux d’incidence du cancer de la prostate les plus élevés au monde.

Autorisé dans les champs de bananes de Martinique et de Guadeloupe jusqu’en 1993.

En revanche, le tribunal administratif a refusé d’indemniser les 1’240 plaignants, qui réclamaient une indemnisation pour préjudice d’anxiété, défini par le Conseil d’Etat comme l’anxiété due au risque élevé de développer une pathologie grave, et par là-même d’une espérance de vie diminuée”. D’après la justice, les requérants “ne font état d’aucun élément personnel et circonstancié permettant de justifier le préjudice d’anxiété dont ils se prévalent”.

L’avocat des 1’240 requérants, qui compte faire appel, considère cependant cette décision comme une “avancée décisive”. “Cela peut servir dans le dossier pénal du chlordécone”, explique l’avocat, qui ajoute : “On a un tribunal qui nous dit que les autorisations des années 70 étaient illégales et donc sont susceptibles d’entraîner la responsabilité de l’État, mais aussi peuvent remettre en cause la responsabilité des distributeurs.”

Dans un communiqué, le gouvernement “prend acte” de la décision du tribunal, et souligne les “actions concrètes” menées par l’Etat pour “protéger la santé des populations” et “tendre vers le zéro chlordécone dans l’alimentation”. Il insiste sur le processus d’indemnisation lancé par l’Etat, “au niveau individuel avec l’indemnisation des victimes” en reconnaissant les cancers de la prostate comme des maladies professionnelles, “et au niveau collectif à travers les mesures du plan chlordécone IV”.

Une autre procédure est en cours après une plainte pour empoisonnement déposée il y a seize ans, mais les juges d’instruction en charge du dossier avaient annoncé vouloir clore le dossier sans prononcer de mise en examen en mars 2021, ce qui avait déclenché l’indignation dans les Antilles. Des plaintes contre d’anciens ministres, déposées par plusieurs associations, ont quant à elles été déclarées irrecevables par la Cour de justice de la République en janvier.

Cette article est rédigé par franceinfo avec AFP etant publié

P.S . Une brève note de l’auteur : Cette affaire montre à quel point cela peut être juridiquement compliqué lorsque des personnes affectées par les effets secondaires néfastes d’un produit chimique environnemental demandent une indemnisation. Il en sera exactement de même si un patient demande une indemnisation pour les pires effets secondaires d’un médicament approuvé. Un argument selon lequel on porte une prédisposition génétique pour l’effet secondaire grave observé sera complètement sans espoir. Les fabricants et les autorités d’homologation ont encore environ 50 ans de retard sur l’état actuel possible de la science.

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Professeur de pharmacologie et de toxicologie. Expert en médecine théragenomique et personnalisé el le sécurité individualisé des médicaments. Expert dans pharmaco- et toxico-génétique. Expert en matière de sécurité humaine de médicaments, les produits chimiques, les polluants environnementaux, et des ingrédients alimentaires.

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