Essai Bial /Biotrial: une expertise pas du tout conclusive par le CSST

Essai Bial /Biotrial: une expertise pas du tout conclusive par le CSST

Last Updated on avril 27, 2016 by Joseph Gut – thasso

27 avril 2016 – Ce message vient en essence de Medscape Francaise, titré “Essai Bial /Biotrial: une expertise non conclusive”, auteur Pascale Solère. Les considérations de l’auteur de cet article ci-dessous sont conformes dans de nombreuses parties avec ceux de thassodotcom.

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Bial/Biotrial: certains doutes persistent.
Bial/Biotrial: certains doutes persistent.

Le Comité Scientifique Spécialisé Temporaire (CSST) d’experts nommés fin janvier par l’ANSM pour examiner les causes pharmacologiques et toxicologiques de l’accident ayant mené au décès d’un volontaire sain au cours d’un essai de phase I, a remis son rapport final [1].

Ses conclusions varient peu de celles présentées lors du rapport intermédiaire, dont Medscape édition française avait rendu compte.

Seule bonne nouvelle, on apprend au détour du rapport qu’aucun des volontaires ayant reçu le produit, mis à part ceux de la dernière cohorte, ne présente d’anomalies cliniques ou à l’imagerie en IRM. Lors du rapport intermédiaire, on était sans nouvelles formelles de certains d’entre eux. Sur ce point, on a progressé.

En revanche, en termes de responsabilité dans l’accident, on tourne en rond. Espérons que les conclusions de l ‘IGAS et celles de l’enquête judiciaire seront plus éclairantes. Une perquisition menée dans le cadre de l’enquête judiciaire, vient d’ailleurs d’être effectuée à l’ANSM.

Toxicité off-target, non prévisible: l’ANSM hors de cause ?

A nouveau, c’est une toxicité « off-target » de la molécule qui est retenue comme la cause la plus probable de l’accident. A nouveau c’est l’escalade de doses menée tambour battant par Biotrial pour Bial qui est discutée. En revanche, la prédictibilité au vu des donnés précliniques d’une toxicologie neurologique n’est pas envisagée par les experts.

Le CSST relève toutefois qu’il y avait bien eu chez le rat et la souris, des atteintes cérébrales, notamment au niveau des hippocampes aux très fortes doses. Cependant « ces atteintes n’étaient a priori pas de nature à générer un signal bien que de telles atteintes ne semblent pas avoir été observées avec d’autres inhibiteurs de la FAAH (Fatty acid amide hydrolase) », selon les experts.

Pour le CSST, aucun élément du dossier préclinique ne laissait donc présager la toxicité apparue lors de l’administration répétée chez l’homme de la dose de 50 mg/j.

Résultat, même si les experts spécifient bien n’avoir pas été missionnés pour juger de l’acceptabilité du protocole par l’ANSN, ils écartent de facto sa responsabilité.

Pourtant il y a quelques jours, le Figaro a dévoilé un rapport interne de l’ANSM réalisé dans la foulée de l’accident [2]. Il nous apprend qu’au sein de l’Agence, la personne responsable de l’analyse des données de toxicologie avait pointé une toxicité neurologique lors de la lecture du dossier. Cet élément n’avait pas été repris par les personnes en charge de l’évaluation clinique du dossier à l ANSM. Il est d’ailleurs absent de la brochure investigateurs. Pourquoi une telle différence d’appréciation ? Le CSST ne se penche pas sur la question.

Des propositions qui dévoilent les failles

Si le rapport final ne donne pas d’explication à l’accident survenu, et aucun détail notamment sur les données pharmacocinétiques de la dernière cohorte, il avance plusieurs propositions pour améliorer à l’avenir la sécurité des essais de phase I. Ce n’était pas vraiment la mission initiale des experts. Mais à travers ces 6 propositions se dessinent en creux les failles de cet essai dramatique.

On y retrouve :

  • l’absence d’un rationnel pharmacologique clair (pas de courbe effet-dose chez l’animal) ;
  • la légèreté des critères d’inclusion (pas d’évaluation neuropsychologique alors qu’on teste un produit actif sur le SNC) ;
  • le non ajustement des doses chez l’homme en fonction de la pharmacodynamie (alors que la concentration inhibitrice semble 10 fois plus faible chez l’homme que chez l’animal) ;
  • l’exposition simultanée des volontaires, sans disposer de la pharmacocinétique de la posologie précédente (seulement celle de l’avant dernière étape, à 10 mg, mais pas celle à 20 mg/j) ;
  • le manque de bon sens clinique et pharmacologique de l’escalade de dose (progression géométrique alors qu’on est à forte dose) ;
  • et enfin le manque de transparence des protocoles et données de phase I, « qui permettrait une analyse comparative très utile, notamment lors de l’analyse d’un protocole en vue d’un avis sur son autorisation ».

Sans mettre en cause l’autorisation du protocole par l’ANSM, le CSST suggère donc qu’à l’avenir, forts d’une base de données des phases I, les évaluateurs puissent faire des analyses plus fines des protocoles qui leur sont soumis… .

On l’espère aussi.

References:

Essai clinique de Rennes – Rapport final du CSST « inhibiteurs de la FAAH » Mis en ligne par l’ANSM le 19 avril 2016.

Essai clinique : le document qui accable Biotrial et l’ANSM   Jouan A, Mascret D.; Le Figaro du 13 avril 2016.

Liens:

Essai mortel Biotrial : la fausse piste des substances psychoactives

Essai Biotrial : l’IGAS dédouane l’ANSM, les causes restent à trouver

Essai Bial/Biotrial : irrégularités dans le protocole?

Bial, Biotrial: des laboratoires dépassés par leurs ambitions?

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Professeur de pharmacologie et de toxicologie. Expert en médecine théragenomique et personnalisé el le sécurité individualisé des médicaments. Expert dans pharmaco- et toxico-génétique. Expert en matière de sécurité humaine de médicaments, les produits chimiques, les polluants environnementaux, et des ingrédients alimentaires.

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